CORRUPTEUR ET LE CORROMPU
Category: Livres,Sciences humaines,Philosophie
CORRUPTEUR ET LE CORROMPU Details
Alain Etchegoyen a le mérite de dénoncer non seulement la corruption qui sévit en France (rares il est vrai, sont les ouvrages de ses laudateurs), mais également l'inégalité de traitement qui existe entre le corrupteur, qui vient de la sphère privée, et le corrompu, généralement un élu ou un fonctionnaire. Cette désignation implicite des vrais coupables aux yeux de notre législation (les riches corrupteurs du privé qui souille la pauvre fonction publique), nous renvoie une image des "valeurs" de notre République, dont l'analyse poussée aurait permis peut-être à l'auteur d'approfondir encore son raisonnement. Elle est en effet riche de sens, tant dans l'étude des causes de la corruption, que dans l'ensemble des solutions qu'il nous faudra mettre en oeuvre. L'importance du secteur public et le poids de l'État constituent en effet une des caractéristiques majeures de notre pays, et seule une élite économique marginale en dénonce l'omniprésence, alors que la majorité silencieuse rêve encore de ses bienfaits. Cet embonpoint a pourtant deux conséquences qui favorisent mécaniquement la corruption. Tout d'abord, le nombre d'occasions ou la sphère privée (l'entreprise) dépend d'une décision de la sphère publique, est ici plus importante que chez nos voisins. L'occasion d'acheter cette décision y est donc statistiquement plus forte. Plus pervers encore, le nombre d'élus et de fonctionnaires et l'emploi à vie dont ceux-ci disposent qui rend impossible toute suppression de services, renchérissent le coût des services publics et interdisent toute rémunération comparable entre la fonction publique et un poste équivalent dans le privé. La tentation de "se rembourser" est donc forte, facilitant ainsi le travail du corrupteur. Il est par ailleurs intéressant de constater que la corruption résulte essentiellement des interactions entre logique collective privée (obtention d'une décision permettant la bonne marche, voire la survie de l'entreprise) et logique individuelle publique (du "cash", pour soi ou son parti). Plus rares sont les cas de corruption mettant en jeu deux acteurs "privés" même s'il est évident que ceux-ci existent. On peut imaginer à cela au moins une explication. Le corrompu "privé" met en péril très directement son entreprise, en l'incitant à prendre une décision guidée par son intérêt personnel : il sait que cela peut remettre en cause l'existence même de son entreprise, et donc son emploi. Un fonctionnaire ne connaît pas ce frein. La perte collective qu'engendre le gain individuel de la corruption est ainsi nécessairement mieux perçue au sein d'une entreprise privée qu'au sein du service public, dont certains privilèges (systèmes de retraites, durée du travail) sont autant de conquêtes corporatistes faites ouvertement sur le dos de la collectivité. Le renouveau moral souhaité par le livre, et dont la publication en est déjà en soi un pas dans cette direction, ne suffira donc sans doute pas, s'il ne s'accompagne pas d'une réforme structurelle de notre pays, en réduisant la sphère d'influence de l'État. Faute de quoi, comme le souligne cet ouvrage, nous risquons de ruiner notre démocratie, en donnant d'implacables arguments aux démagogues. -- Stéphane Germain -- -- Business DigestLa corruption est de plus en plus présente dans notre société. Elle gangrène le fonctionnement de nos institutions et met notre démocratie en danger. Les corrompus manquent à leur devoir de probité, de responsabilité, et font passer leurs intérêts particuliers avant le bien commun en abusant de leurs pouvoirs. L'argent-roi est devenu la principale valeur de notre monde. Les solutions se trouvent dans un retour à la morale. Le droit parle de corrupteur et de corrompu, sous entend qu'il y a un coupable et une victime, mais il ne faut pas se tromper. Le corrupteur est souvent contraint et c'est le corrompu le premier responsable. La morale doit réprouver cet abus de pouvoir et mettre en lumière le véritable enjeu qui est de sauvegarder la légitimité de nos élites. Il faut une volonté politique forte pour engager le combat. Un combat qui ne doit pas s'appuyer sur des effets de langage sans suites concrètes. La lutte contre la corruption nécessite la prise de conscience de la dimension morale du problème et doit s'engager au-delà des clivages idéologiques. C'est la République même qui en est l'enjeu. -- Idées clés, par Business Digest
Reviews